Mikayel Harutyunyan est né à Erevan. Du haut de ses 23 ans, c’est l’un des peintres arméniens les plus prometteurs de sa génération. Sorti avec le Prix d’Excellence de l’École des Beaux-Arts, il a remporté de nombreux concours et travaille actuellement sur une composition destinée à l’Église du Saint-Sépulcre de Jérusalem. Rencontre avec un artiste  qui fait fusionner Foi et talent.

Florence Gopikian Yérémian : Quel est votre parcours artistique ?

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Le jeune peintre Mikayel Harutyunyan

Mikayel Harutyunyan : J’ai commencé à dessiner lorsque j’avais dix ans puis je me suis formé auprès du peintre Edouard Sassoun qui mène aujourd’hui sa carrière en Thaïlande. En 2016, j’ai intégré l’Académie des Beaux-Arts d’Erevan sous la tutelle d’Aram Isabekian et l’an dernier, j’en suis sorti diplômé avec le Prix d’Excellence.

Êtes-vous issu d’une famille d’artistes ?

Mes parents ne le sont pas, mais mon cousin Mikayel Ohanjanyan est un célèbre sculpteur à Florence, quant à mon frère, Norayr Harutyunyan, il est compositeur. On peut donc dire que l’art fait partie intégrante de notre famille.

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Dans ce paysage hivernal, Mikayel Harutyunyan montre une maitrise évidente de la lumière et de la mise en volume ainsi qu’un travail remarquable sur les textures (L’Hiver au coeur d’un village arménien – Huile sur toile – 2018)

Avez-vous un artiste référent ? Un « grand-maître » qui vous inspire plus que les autres ?

Difficile à dire car mes goûts évoluent au fil du temps. Je m’inspire de différents peintres et ne m’arrête à aucune époque car chaque artiste que j’étudie m’apporte quelque chose.

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Dans cette nature morte contemporaine, Mikayel joue habilement avec les coulures et la mise en perspective de ses pots de peinture (Construction – Huile et crayon sur toile – 2019)

Du haut de vos 23 ans, pensez-vous avoir trouvé votre style ?

Selon moi, le style d’un artiste est entièrement lié à sa personnalité. Il est donc enclin à changer et  à évoluer en fonction des aléas de son existence. Il est faux de croire que l’on puisse, à un moment donné, atteindre la perfection ou un stade final d’exactitude dans la création. Depuis que je peins, je me suis dédié avec allégresse au réalisme mais je vous avoue que j’aimerais avoir plus de temps pour pouvoir explorer d’autres horizons picturaux. Celà viendra…

Bien que réalistes, vos oeuvres n’en demeurent pas moins éclectiques

En effet, je suis aussi bien attiré par l’art du portrait que par des paysages, des natures mortes ou des compositions plus urbaines. Selon mon humeur, je peux réaliser le même sujet dans des styles foncièrement différents car j’aime jouer avec mes pinceaux, creuser ma toile et me perdre à travers mes créations. Je savoure réellement chacun des coups de pinceaux qui me servent à construire mes tableaux.

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Une simple porte de garage devient un sujet à part entière pour Mikayel. Grace à ses variations chromatiques et à sa touche sensible, il fait de ce décor urbain un tableau quasi méditatif.

Beaucoup de vos oeuvres sont à connotation religieuse. Avez-vous un attrait particulier envers l’église ?

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Cette représentation du Catholicos Kevork V fait partie d’une étonnante série de portraits académiques consacrés aux chefs suprêmes de l’Église arménienne. (Gevorg V Catholicos of All Armenians” – Huile sur toile – 2017

Les compositions religieuses ont toujours été chères à mon coeur.
En 2017, j’ai eu la chance de recevoir une commande de la part du Catholicos Karekin II, le chef suprême de l’Église arménienne. Cette invitation a débouché sur une série de portraits des grandes figures ecclésiastiques.
Ces tableaux sont aujourd’hui pour la plupart sur les murs des cathédrales arméniennes dont la Cathédrale d’Etchmiadzin, qui est la plus importante du pays.

 

Avez-vous une technique picturale que vous préférez ?

Je suis particulièrement attaché à la peinture à l’huile mais j’associe souvent d’autres techniques à mes toiles. À mes débuts, j’ai également eu une période dédiée à l’aquarelle. J’aime utiliser le même matériau de différentes façons car j’ai une approche explorative de l’art. Je pense aussi que, dans un futur proche, je me servirai de tout type de matériau pour créer y compris ceux qui ne sont pas habituellement destinés à la peinture.

Bien que vous soyez très jeune, vous avez déjà reçu de nombreux prix artistiques

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Son tableau “Broken Childhood” a remporté le Premier Prix de la Jewish International Competition qui s’est déroulée à Moscou en 2014 sur le thème de l’Holocauste.

J’ai effectivement participé à plusieurs compétitions. Ce sont des expériences interessantes car elles portent mon travail vers différentes thématiques. A titre d’exemple, l’an dernier, j’ai été sélectionné parmi les meilleurs artistes du célèbre concours de portraits mené par la National Portrait Gallery de Londres. Il y avait plus de 2500 participants en provenance de 84 pays et j’étais le plus jeune !
L’une des plus importantes compétitions internationales à laquelle j’ai également participé s’est tenue à Moscou en 2014. Elle était dédiée au 70e anniversaire de l’Holocauste et j’ai gagné le premier prix avec un tableau intitulé « Enfance brisée ».

Peut-on dire qu’en tant qu’Arménien vous avez été particulièrement sensible au sujet de l’Holocauste ?

Absolument. L’extermination d’un peuple est une thématique qui me parle forcement à cause de mes racines. Lorsque je suis allé à Moscou pour recevoir mon prix, j’ai eu la chance de pouvoir prendre la parole et je n’ai pas hésité à évoquer le Génocide des Arméniens.

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Mikayel a fait ce portrait lorsqu’il était encore étudiant à l’Académie des Beaux-Arts. Bien que ce dessin soit de facture classique, il laisse déjà transparaitre un coup de crayon caractériel ainsi qu’une belle affinité pour les contrastes. ( “Portrait” – 2017, crayon sur papier)

Comment évolue l’enseignement artistique en Arménie ?

A Erevan, l’Ecole des Beaux-Arts est gratuite. Chacun des élèves peut choisir son orientation et ses disciplines mais je dirais que l’enseignement se revendique de l’école classique. Les professeurs sont assez conservateurs et ils demeurent attachés aux valeurs du réalisme plus qu’à un quelconque art conceptuel.

Et qu’en est-il du marché de l’Art ?

Il n’y a malheureusement que peu de galeries en Arménie et il en va de même pour les maisons de vente aux enchères. Les gens les plus fortunés du pays ne sont pas de vrais amateurs d’art, ce qui est regrettable pour les jeunes générations d’artistes. J’espère sincèrement que les mentalités vont évoluer…

La guerre arméno-azerbaïdjanaise qui vient de se dérouler au Haut-Karabagh a-t-elle eu un impact sur la culture ?

Naturellement. Ce conflit a détruit notre paix intérieure à tous et énormément affecté le travail des artistes qui sont pour la plupart de nature hypersensible.

Sur quelle composition travaillez-vous actuellement ?

Je fais des études sur des thèmes religieux car j’ai été choisi pour peindre une oeuvre destinée à l’Eglise du Saint Sépulcre de Jérusalem. Cette basilique est un lieu si symbolique pour le monde chrétien.   

Avez-vous récemment exposé ?

Mes deux dernières expositions ont eu lieu à la Galerie Boyajian d’Erevan et au centre Gevorkian d’Etchmiadzin. Je n’ai pas encore eu la chance de montrer mon travail à l’étranger mais j’espère que ça ne va pas tarder.

Florence Gopikian Yérémian

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Mikayel nous a accueilli à Erevan au sein de sa modeste demeure tapissée de ses oeuvres.

La photo titre de l’article représente le compositeur Stepan Shakaryan qui fut l’un des élèves d’Aram Khatchaturian et un ami intime de la famille de Mikayel Harutyunyan (Huile sur toile – 2019)

Pour en savoir plus, vous pouvez contacter l’artiste via sa page Facebook ou son mail : mikayelharutyunyan1997@mail.com

Photos ©Kasparian

Florence Gopikian Yérémian est journaliste culturelle. Rédactrice auprès de Muséart, Paris Capitale, L’Oeil ou le BSC News, elle couvre l’actualité parisienne depuis plus de vingt ans. Historienne d’Art de formation (Paris Sorbonne & Harvard University), correspondante en Suisse et à Moscou, elle a progressivement étendu ses chroniques au septième art, à la musique et au monde du théâtre. Passionnée par la scène et la vie artistique, elle possède à son actif plus de 10000 articles et interviews.