Il y a 19 ans le public découvrait le visage d’Emma Daumas sur les bancs de la Star Academy. Une jolie blonde un peu fragile et insouciante, qui depuis a bien changé. Devenue une femme affranchie en accord avec son style, sa personnalité. Une chanteuse libre et épanouie exprimant sa transformation en toute quiétude à travers son nouvel album « L’Art Des Naufrages ». Un disque lumineux et aérien d’une rescapée de l’industrie musicale.
Précipitations et éclaircies
Pour comprendre au maximum le sens de « L’Art Des Naufrages », il semble judicieux d’en connaître un minimum sur le parcours artistique d’Emma Daumas. Ce cinquième album faisant subtilement écho aux différentes étapes de ses quasi 20 ans de carrière. Un destin entré dans la lumière en 2002 grâce à sa participation au télé-crochet phare de l’époque, la « Star Academy ». Une expérience qui l’a marqué à jamais et la suit encore aujourd’hui. Difficile pour elle d’y échapper à chacune de ses interviews, mais elle ne s’en plaint pas plus que ça. Assumant pleinement ce moment de bascule au plus près de son rêve de devenir artiste. Une jeune femme à l’époque au style rock, animée par l’envie de casser les codes. Entrée rapidement au sommet des charts avec son inoubliable tube « Tu seras ». Prise pourtant dans cette tempête médiatique où elle s’est vite sentie oppressée. S’en sont suivis rapidement un deuxième puis troisième albums où déjà la chanteuse se risquait à un premier tournant musical vers la folk. Un choix pas forcément du goût d’Universal, sa maison de disque dont elle décidera de se séparer pour avancer seule. Motivée par le besoin de se recentrer, prendre le temps de composer aussi et écrire. Une remise en question payante qui l’a porté à chacun de ses projets si différents. Surprenant en 2010 avec « Les larmes de crocodile et autres fables » un recueil musical de fables, avant de se retirer au Brésil en quête de nouvelles inspirations. Des doutes elle en a eu, une perte de confiance aussi, mais c’était sans compter sur le soutien imparable de Maxime Le Forestier. L’un des rares à avoir cru en son talent dés le début et à avoir vu en elle plus qu’une interprète lisse. Un camarade qui l’a initié à un stage d’écriture sur-mesure qui lui a permis de reprendre peu à peu sa plume et le chemin de concerts en petits comités. Un nouvel élan pour Emma Daumas qui a continué à exister et créer loin des projecteurs en toute indépendance.
Une radieuse capitaine
Une artiste désormais sûre d’elle, de son changement de cap. Une femme élégante et raffinée respirant la liberté. Un doux parfum de légèreté planant dés le lancement de la première piste de l’opus. Une brume aérienne baptisée « Les Jeunes Filles en Fleurs ». Une petite complainte aérienne rythmée de choeurs, camouflant derrière un message profond. « Gare aux arracheurs, de pétales » murmure-t-elle, mettant en garde la gente féminine contre les beaux parleurs. Un univers floral filé aussi dans « À la folie », faisant référence à ce jeu enfantin consistant à effeuiller la marguerite pour mesurer la puissance des sentiments de l’être aimé.
Une chanteuse éveillant nos sens à coup d’amour, portée par le pouvoir des fleurs. Osant aborder la féminité aussi dans son ensemble, sans pour autant chercher à être féministe ni engagée. Se livrant à travers des chansons intimes et feutrées comme «Saltimbranques » ou le délicat « Amor, l’amour » baigné de sonorités épurées. Quand «Léthé » s’avère d’avantage tourné vers le style bohème. Une mère aussi rayonnante, adressant une tendre déclaration à ses deux enfants devenus son « Nouveau Monde ». Se racontant subtilement au sein de ce disque profond et introspectif. En revenant entre autre sur la croisière parfois turbulente de sa vie artistique. Un voyage parfois sans vague à l’instar de « Mermaids Blues » construit autour d’un rythme langoureux. Avant que la tempête ne se gâte dans « L’Art des naufrages » prévenant les demoiselles à prendre soin d’elle mais à se dévoiler avec pudeur. Clôturant son disque, la tête hors de l’eau par une note encourageante et positive avec « A la place du silence ». « Le voilà, le murmure la petite voix, canal subtile, qui s’écoule comme un fil et recoud mes blessures. Il ne dit pas que c’est facile d’enfiler les bonnes chaussures, pour gravir le sommet de sin île. Il dit… chacun son allure » murmure cette Cendrillon de la musique qui semble avoir définitivement trouvé chaussure à son art.
DROUIN ALICIA