Au moment de découvrir la voix et l’univers de Marie Laforêt il y a plus de quinze ans, Najoua Belyzel ne s’attendait pas à être si bouleversée. Une artiste comme son ainée, sur le fil de l’émotion dans chacun de ses projets. Une mystérieuse interprète plongeant corps et âme dans les profondeurs du répertoire de cette icône « Eternelle ». Entretien.
« Je vois Marie Laforêt comme une force féminine »
SYMA : On vous retrouve avec ce nouvel album « Eternelle » hommage à Marie Laforêt, pour ceux qui ne la connaîtrait pas ou très peu, pouvez-vous nous la présenter en quelques mots ?
Najoua Belyzel : C’était une grande dame, pour moi une très grande artiste. C’est très difficile de la résumer en quelques mots. Je vois Marie Laforêt comme une force féminine, symbole de la liberté d’expression, de vie, de choix. C’est quelqu’un qui avait une voix. On la surnommait la fille aux yeux d’or. Et c’était une très belle actrice aussi qui a été très complète tant dans le cinéma que dans l’art. C’était une intellectuelle aussi, elle a beaucoup écrit, peint. Une artiste complète. Je m’arrête là sinon je pourrais parler d’elle pendant 3 heures.
Vous vous retrouvez dans son parcours ?
Je me retrouve dans plusieurs points chez elle. D’abord le fait que je sois devenue chanteuse un peu par accident, ce n’était pas un choix à la base. Même destin pour elle puisque initialement elle avait passé un casting à la place de sa sœur où un cinéaste l’a repéré avant de faire de la musique.
On retrouve justement des similitudes dans vos timbres de voix !
Mon compositeur me l’a fait remarquer. Au moment ou je l’ai découverte, je ne pensais pas que l’on pouvait chanter de manière si vraie sans se soucier de chanter le plus juste possible. Simplement transmettre ses émotions. Ça m’a permis de me décoincer un peu au niveau de mon chant. Trop souvent on veut chanter trop juste, que tout soit beau.
« Je voulais faire cette rencontre mais ça n’a pas pu se faire à mon grand regret »
Vous avez eu le temps de la rencontrer ?
Hélas non. J’ai fait une démarche un premier pas par le biais de mon label, je voulais faire cette rencontre via des amis en commun mais ça n’a pas pu se faire à mon grand regret. J’ai une relation un peu spirituelle avec Marie Laforêt, j’ai beaucoup rêvé d’elle. Les textes qu’elle a enregistré et chanté j’ai l’impression que j’aurais pu les écrire. C’est un peu comme si elle m’avait envoyé un signe pour me dire tu peux le faire aussi. Il y a aussi une question de légitimité par ma manière d’être arrivée dans le métier. Le fait que de base je voulais surtout écrire, mon truc c’est ça, la poésie. En écoutant bien ses chansons ça m’a construit vers cette idée là le fait d’avoir le droit de suivre ce chemin.
Vous n’avez pas eu de retour non plus pour votre reprise de « Viens, viens » sortie en 2007 ?
Elle savait qu’il y avait cette reprise. À la base je souhaitais un duo, mais je n’ai pas eu de réponse. Ni un non ni un oui. C’est dommage, mais je n’ai pas baissé les bras. J’ai voulu aller au bout de cette idée là. Lorsque j’ai découvert « Viens » qu’elle chante avec beaucoup d’émotions je me suis saisie de la chanson. Et à partir de là j’ai eu envie de chanter plein de chansons à elle. Mon idée d’album est née à ce moment là.
Cet album est donc presque apparu comme une évidence alors ?
Dés que j’ai découvert Marie Laforêt en fait. Après la vie a fait que l’album ne s’est pas réalisé de suite. Notamment le moment de sa mort. Ça a été très difficile je pense pour sa famille, ses proches et le public. Et moi dans tout ça. Avec le confinement l’idée a germé en moi et je me suis dit que j’allais aller au bout. Pour moi j’ai une ligne de conduite et je la trouve belle. La démarche est depuis le départ très sincère et j’en suis heureuse et contente d’en parler avec vous.
Avez-vous eu l’accord de sa famille pour ce disque ?
J’ai beaucoup échangé avec ses compositeurs, des personnes qui ont travaillé avec elle. Sa famille doit être au courant puisqu’elle a toujours un fan club actif.
On peut dire que vous avez été au bout de ce rêve ?
Aujourd’hui je suis heureuse que ça ait abouti. J’en suis plutôt fière. Mon seul regret c’est de ne pas l’avoir sorti au moment de son vivant. Son départ m’a beaucoup touché.
« J’ai beaucoup pleuré durant l’enregistrement de l’album »
L’album est composé de 10 reprises, comment avez-vous sélectionné les titres ?
Au départ il y en avait bien plus, mais on a réduit pour des raisons techniques. Ça a été un casse tête, comme toujours dans chacun de mes albums. Quand je dois choisir entre mes propres chansons j’ai l’impression de choisir entre mes enfants ou un membre de mon corps. (rires)
Je me suis donc laissée guider par les émotions. J’ai été attirée par des titres que je ne connaissais pas forcément. Je trouvais cool le fait que le public y retrouve aussi ses succès. On a essayé de trouver un équilibre entre les deux. J’ai eu de beaux retours même si le choix a été délicat. Après pourquoi pas poursuivre avec un volume 2… Pour le moment ça n’est qu’une idée mais elle a un répertoire tellement inépuisable.
Vous les avez retravaillées musicalement, mais vous avez veillé à ne pas dénaturer l’ambiance d’origine ?
On a essayé de respecter au mieux le chant et les émotions, l’écriture et la composition. D’essayer d’être le plus proche d’elle tout en faisant en sorte que ça me ressemble aussi. Qu’on reconnaisse le style Najoua Belyzel tout de même. On voulait faire quelque chose de professionnel, de très beau avec de véritables cordes. Je voulais travailler avec Jean-François Berger qui a conduit l’album. C’était important de faire les choses bien, je ne voulais pas les bâcler.
C’est un peu une manière de continuer de faire vivre Marie Laforêt par votre biais?
J’ai l’impression à chaque fois que j’ai enregistré une chanson que Marie Laforêt était présente. J’ai beaucoup pleuré durant l’enregistrement de l’album. Notamment sur «Qu’y-a-t-il de changé ? », le texte me parle énormément. Quand Marie Laforêt la chante on a l’impression qu’elle nous raconte l’histoire de la vie. D’autres ont été plus faciles à interpréter comme le tube « Les vendanges de l’amour ». Mais la plupart sont de véritables messages.
Merci à Najoua Belyzel
Album « Eternelle » disponible
10 reprises gracieuses et riches en émotions de classiques et titres plus confidentiels de Marie Laforêt qu’il fait toujours bon (re)découvrir.
DROUIN ALICIA