The Innocents : un conte cruel fort bien filmé
On dit souvent que les enfants sont cruels. À travers The Innocents, le cinéaste norvégien Eskil Vogt nous propose une interprétation aussi singulière que glaciale de cet adage…
Jeux d’enfants – Jeux de méchants
L’histoire prend place dans une cité nordique où quatre enfants se rencontrent : il y a Aisha, Benjamin, la petite Ida et sa sœur Anna, une jeune autiste. À première vue, tous ont l’air candides et sympathiques, cependant au fil des jours certains d’entre eux découvrent qu’ils possèdent de mystérieux pouvoirs. Avec hésitation et maladresse, ils tentent d’abord de déplacer des objets ou expérimentent la télépathie. Amusés par ces explorations surnaturelles, ils essayent alors de dominer l’esprit de certaines personnes et basculent sans s’en rendre compte dans un univers d’une violence diabolique.
Un thriller singulier
Avec The Innocents, Eskil Vogt (scénariste de Julie en 12 chapitres) livre un thriller qui perturbe les spectateurs car il met en avant la cruauté enfantine. Faisant de ses quatre protagonistes des pervers polymorphes, il scrute lentement leurs étranges pensées et entraîne ces êtres d’apparence si fragile dans des actes d’une rare méchanceté. Incapable de situer une limite entre le bien et le mal, son tout jeune quatuor dérape dans une spirale infernale qui nous prend aux tripes et nous met mal à l’aise.
Un beau quatuor de très jeunes comédiens
L’interprétation ainsi que la direction d’acteurs sont impeccables. Le pari était sûrement risqué pour Eskil Vogt mais il est étonnant de voir à quel point ces enfants comédiens s’investissent dans leurs rôles : entre la froideur analytique d’Ida (Rakel Lenora Fløttum), les transes de Benjamin (Sam Ashraf), la candeur bienveillante d’Aisha (Mina Yasmin Bremseth Asheim) et le mal-être d’Anna (Alva Brynsmo Ramstad), on est impressionné par leur maturité de jeu.
D’un point de vue cinématographique, Eskil Vogt maîtrise autant ses lumières sourdes que ses cadrages et il utilise une bande-son idéale pour faire grimper la tension des spectateurs. De ce point de vue, son long-métrage est un bel exercice de style avec une caméra intrusive qui réussit à nous tenir en haleine de bout en bout.
On se questionne néanmoins sur la portée d’un scénario aussi glauque : construire un film autour de la cruauté enfantine a t-il un intérêt ? Certes, la plupart des enfants ne sont pas des anges, mais il faut quand même avoir l’esprit tordu pour pousser si loin leur manque d’empathie et leur malveillance !
Si vous aimez les thrillers angoissants, allez voir sans hésiter The Innocents. Évitez cependant de montrer ce film à vos têtes folles : cela pourrait les induire en erreur et leur donner de très mauvaises idées…
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
The Innocents
Un film de Eskil Vogt
Avec Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Mina Yasmin Bremseth Asheim, Sam Ashraf
Le 9 février au cinéma
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Photos : ©Mer Film – Charles Tchekhoff