Les femmes artistes des Années Folles
Comme de coutume, la nouvelle exposition du Musée du Luxembourg fait preuve d’originalité : en ce début de printemps, ce petit écrin jouxtant le Sénat accueille une cinquantaine d’artistes des Années Folles qui ont eu la particularité … d’être des femmes.
Qu’il s’agisse de peintres, d’écrivaines, de réalisatrices ou de stylistes, toutes méritent leur place dans cet hommage car elles ont contribué, chacune à leur façon, à la construction de la modernité du siècle dernier. Après cent ans de silence et d’oubli, il est grand temps que ces dames soient enfin reconnues à leur juste valeur !
L’entre-deux-guerres au féminin
L’entre-deux-guerres est une parenthèse particulière qui a donné lieu à un bouillonnement culturel marqué par une véritable soif de liberté. Dans le domaine des arts, cette période transitoire a fait preuve d’une ébullition créative où des mouvements clefs comme le cubisme, le dadaïsme ou le constructivisme se sont constitués.
Aux côtés des figures incontournables de Léger, Breton ou Picasso, des femmes artistes ont aussi crée et inventé à l’image de Maria Blanchard, Mêla Muter ou Tamara de Lempicka. Plus discrètes que leur confrères masculins, elles ont participé au renouveau de la mode, du cinéma, de la peinture mais aussi de disciplines plus modestes comme les arts appliqués.
Dans une mise en scène simple mais éclectique, le musée du Luxembourg lève le voile sur ces artistes de l’ombre. Entre une petite robe noire de Mademoiselle Chanel et un kit de Brillantine à l’effigie de Joséphine Baker, se distinguent ainsi les marionnettes de Marie Vassilieff, les collages d’Alice Halicka ou les sculptures d’Anna Prinner.
On peut aussi découvrir des photographes comme Gisèle Freud ou des femmes de lettres telle que Sylvia Beach qui a non seulement créé la mythique librairie parisienne Shakespeare and Company, mais aussi traduit l’Ulysse de James Joyce.
Une exposition où la peinture prédomine
Le 3e art reste à l’honneur au Musée du Luxembourg. C’est en effet en peinture que l’on constate le plus l’émancipation des femmes artistes des Années 20. À travers la sélection de toiles des premières salles de l’exposition, on sent l’attachement de ces pionnières envers l’esthétique géométrique et l’art abstrait. Certaines de leurs compositions nous font d’ailleurs songer à des variations dans l’esprit de Malevitch ou de Fernand Léger.
Parallèlement à cette modernité stylistique, ces avant-gardistes se sont aussi penchées sur des thèmes revendiquant leur liberté de femme ou leur statut de mère. Il en va ainsi de Mela Muter qui nous offre des nus sans fioritures et des maternités à mille lieues de parfaites madones. On y reconnaît des ouvrières ou des domestiques révélées dans un traitement brut avec un goût prononcé pour le mouvement des corps et la matière picturale.
Tamara de Lempicka : figure iconique des Années Folles
Icône un peu à part dans cette galerie féminine, la séduisante Tamara de Lempicka nous subjugue. Il faut dire que la modernité et le talent de cette artiste russo-polonaise ont de quoi séduire.
Qu’il s’agisse d’une vierge à l’enfant ou d’une sulfureuse odalisque, la technique de Tamara est unique car ses œuvres possèdent à la fois une mise en volume néocubiste et un lissé ingresque.
Accentuées par une intensité lumineuse et un attrait pour les poses lascives, ses toiles figurent certainement parmi les plus érotiques de leur temps.
Pas étonnant que son portrait de Suzy Solidor ait été sélectionné pour l’affiche de l’exposition, il résume à lui seul modernité, féminité, maîtrise technique et liberté de pensée.
Une exposition trop genrée ?
Avec Les Pionnières, le Musée du Luxembourg remet donc au goût du jour de brillantes artistes. Le pêle-mêle est varié et très intéressant mais on regrette qu’il s’attarde trop sur la question du genre et particulièrement de l’homosexualité.
On conçoit la mise en avant du mythe de la « Garçonne » défendu par Coco Chanel ou par Vogue. On comprend les thématiques masculines et le traitement brut voire parfois violent de leurs compositions. On revendique l’égalité des savoir-faire et la parité entre les artistes hommes et les femmes. Mais est-il donc si nécessaire d’évoquer de façon redondante le lesbianisme de ces dames ? L’approche est un peu simpliste voire réductrice.
Mettre en avant le désir d’émancipation et le militantisme de ces demoiselles ? Oui ! S’attarder sur leurs pratiques saphiques pour montrer que la majorité des femmes artistes ont ce type d’orientation sexuelle ? Non !
La créativité n’est pas une question de genre et le lesbianisme n’a certainement jamais été une garantie de talent, alors pourquoi en parler autant ?