Avant l’Orage
Une nouvelle exposition d’art contemporain vient de prendre place à la Bourse de Commerce. Puisant au cœur de la Collection Pinault, elle invite le spectateur à une déambulation à travers des œuvres qui questionnent notre rapport à la nature. Intitulée « Avant l’orage », elle nous fait prendre conscience de la fragilité de notre planète et montre l’urgence écologique face à laquelle nous nous trouvons.
Danh Vo investit la Rotonde
Parmi la vingtaine d’artistes présentés dans l’ancienne Halle aux grains de Paris, Danh Vo a la place d’honneur. Installée au cœur de la rotonde sous la verrière, son œuvre monumentale a spécialement été conçue pour cet écrin lumineux qui prend soudain des allures de serre. Nommée Tropeaolum, sa création est composée de troncs de chênes qui dialoguent avec des photographies de fleurs et un ensemble de statues médiévales. Assez confuse au premier abord, cette installation hétéroclite mérite un regard posé car elle propose une double réflexion de la part de cet artiste danois d’origine vietnamienne.
A première vue, Danh Vo y décompose plusieurs étapes du cycle d’un arbre et ses multiples utilisations par l’homme : au cœur d’un jardin imaginaire, il nous montre des troncs récupérés auprès de forêts sur lesquels la mousse et le lichen continuent de pousser, il mêle ensuite ces parcelles d’arbre à des échafaudages où le bois est manufacturé, puis il dispose aléatoirement des sculptures de bois qui traduisent une ultime transformation de cette matière.
À l’intérieur de cette composition cyclique, Danh Vo trace également un plaidoyer en faveur du Vietnam qu’il a fui en 1979 avec ses parents : afin de comprendre son message identitaire, il faut suivre les objets énigmatiques qu’il a disposés de façon éparse dans la rotonde tels que cette lettre d’adieu d’un moine parti évangéliser les Vietnamiens ou ces pièces de bois provenant des terres de la famille de Robert McNamara qui fut l’architecte américain de la guerre du Vietnam. En offrant ces souches d’arbres à Danh Vo, la descendance de cet homme politique souhaite certainement apporter une réparation symbolique à ses crimes de guerre. À méditer !
L’univers onirique de Robert Gobert
Parallèlement à Tropeaolum, l’exposition Pinault explore d’autres dimensions artistiques. Au fil des salles, on découvre ainsi l’univers onirique de Robert Gobert: dans un clin d’œil magrittien, il invite les spectateurs à plonger leur tête dans un «corps-costume » pour y scruter l’intérieur d’un être fait de paysages et de bruits d’eau. À travers les pierres, la mousse et les branchages de cet écosystème miniature, Robert Gobert bouscule nos sens et nous interroge sur la part de nature qui subsiste encore en chacun d’entre nous.
Les chrysalides d’Anicka Yi
Au 2e étage de la Fondation ne ratez pas les cocons lumineux de l’artiste américano-coréenne Anicka Yi. Composées de fines feuilles d’algues, ces immenses chrysalides ont quelque chose de mystique tant par leur forme oblongue que par leur contenu. En observant ces structures suspendues, le public peut en effet distinguer de petites ombres volant à l’intérieur et émettant un subtil bourdonnement. Passionnée par l’interaction entre le vivant et l’artificiel, Anicka Yi a voulu créer une œuvre où des cocons d’algues – l’un des éléments les plus importants de la biomasse – accouchent d’insectes animatroniques. Par-delà son intention scientifique qui est intéressante, le résultat visuel de ce paysage mutant est superbe !
Lucas Arruda : un maître de la lumière
Dans un genre plus « classique », le peintre brésilien Lucas Arruda nous offre une merveilleuse série de « déserts modèles ». Déclinant des paysages empreints de silence sur de tout petits formats, il nous transporte d’un bord de mer à une palmeraie à travers des compositions proches de l’abstraction. À la fois, puissantes et délicates, ses œuvres traduisent des émotions qui frôlent le sublime et témoignent d’un très beau langage chromatique irradié de lumière.
Les tableaux de nuages de Tacita Dean
Moins colorés mais tout aussi poétiques, les tableaux de craie de Tacita Dean nous laissent voir de fins nuages évoquant, quant à eux, la précarité des éléments et celles de nos existences.
Diana Thater : retour sur Tchernobyl
Figure majeure de l’art vidéo, Diana Thater nous plonge dans les ruines de Tchernobyl trente ans après la catastrophe nucléaire. À travers six écrans, ses projections diffusent en boucle l’évolution de ce site afin de nous faire constater à quel point la nature a repris ses droits face aux erreurs humaines.
Si certains d’entre vous peinent à comprendre le fil directeur de cette exposition collective, n’hésitez pas à vous adresser aux jeunes médiateurs qui animent cet évènement. Ils répondront avec enthousiasme à toutes vos questions.
Si le temps vous le permets, profitez-en aussi pour faire la visite guidée (gratuite) du bâtiment qui vous entraînera dans les sous-sols historiques de l’ancienne Halle aux grains de Paris et vous fera comprendre les choix de François Pinault ainsi que la démarche esthétique de Tadao Ando.
Surtout, ne ratez pas la petite souris animatronique de Ryan Gander en attendant l’ascenseur ….
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Avant l’Orage
Bourse de Commerce
Collection Pinault
2, rue de Viarmes – Paris 1er
Jusqu’au 11 septembre 2023
.
Photos : ©Florence Gopikian Yérémian
