Le Montespan ou l’épopée rocambolesque d’un royal cocu
Que faire lorsque l’on a pour rival le roi en personne et qu’il convoite votre femme ? Prendre son mal en patience et tenter de garder la tête haute…
Le Marquis de Montespan l’a bien compris. Époux de la belle Athenaïs, devenue favorite de Louis XIV, il s’est efforcé durant toute sa vie de rester digne mais l’amour qu’il portait à sa moitié le rendait aussi fou que morose.
Au fil des sept grossesses adultérines d’Athénais, il a essayé de récupérer l’élue de son coeur, s’est laissé dépérir durant des mois et a même osé parader au sein des jardins de Versailles dans un carrosse affublé de cornes de cerf ! Cependant, rien n’y fit..
Inspiré par le récit rocambolesque de ce pauvre mari, Etienne Launay a mis en scène une pièce où l’humour n’a d’égal que l’esprit. Reprenant le roman de Jean Teulé, il en respecte l’écriture douce-amère, lui ajoute un brin de folie et rend enfin un bel hommage théâtral à ce « royal cocu ».
Une mise en scène « épique »
Chacun connaît les fastes du règne d’Athénaïs qui fut la maitresse de Louis XIV durant près de quinze ans. Grâce au livre de Jean Teulé, on en sait aujourd’hui d’avantage sur l’homme qui tenta de partager sa vie : Le Montespan.
Séduit par le parcours tragicomique de ce pauvre marquis, le comédien et metteur en scène Étienne Launay (Le Jeu de l’amour et du hasard, L’affaire Courteline, Le Monte-Plats, L’avare…) a souhaité porter cet extravagant récit sur les planches du Théâtre de la Huchette.
En l’espace d’une heure trente, il nous offre ainsi un voyage de la cour de Versailles au quartier du Marais en faisant défiler des dizaines de personnages. À travers cette épopée scénique pleine d’enthousiasme, on croise donc le roi, Monsieur et Madame de Montespan mais aussi toute une galerie de figures abracadabrantes qui zigzaguent au fil du Grand Siècle.
Optant pour une mise scène d’une vivacité désarmante, Etienne Launay a fait appel à trois talentueux comédiens qui enchainent les rôles et les aventures avec brio. Entre sarcasme et gasconnade, mais aussi entre douceur et tristesse, la magie du théâtre opère et l’on voit l’Histoire se mettre en marche au son de Lully.
LE Montespan
Simon Larvaron (que nous avions vu dans Le monte-plats) endosse le rôle de ce royal cocu avec une élégance doublée d’amertume. Poudré, fraisé et perruqué, il possède une certaine noblesse de port et apporte à son rôle une touche chevaleresque. De par son regard sombre et le timbre grave de sa voix, il incarne fort bien la rancoeur de ce marquis si amoureux et nous rappelle indiciblement la majesté et le phrasé classique de Daniel Mesguich.
LA Montespan
À ses côtés (ou plutôt aux côtés du roi…), la pétulante Salomé Villiers (voir notre interview 2021) prête ses yeux clairs et son beau caractère à Mme de Montespan. Corsetée et allante, elle confère à Athenais une étonnante humanité qui contraste avec l’image hautaine et mordante qu’on lui attribue habituellement. Par-delà la favorite machiavélique et ensorceleuse, Salomé Villiers creuse d’avantage ce personnage voué au bon plaisir du Roi et s’attache à nous montrer une femme victime de son temps ainsi qu’une mère.
et la cour !
Afin de donner la réplique à ce couple si singulier, l’excellent Michaël Hirsch se démultiplie. Tour à tour, curé, procureur ou même duchesse, il accentue à foison le profil de ses protagonistes et les caricature avec truculence. La voix nasillarde, l’œil fou et le rire nerveux, il est d’une vivacité délicieuse et d’un comique qui frôle habilement celui de Christian Hecq !
Vous l’avez compris, cette pièce est drôle, délicieuse, pleine d’amour et d’esprit. Qu’attendez-vous pour la découvrir ?
Florence Gopikian Yérémian – florence.yeremian@symanews.fr
Le Montespan
De Jean Teulé
Mise en scène : Étienne Launay assisté de Laura Christol
Adaptation: Salomé Villiers
Avec Salomé Villiers, Simon Larvaron et Michaël Hirsch ou en alternance Marina Pangos, Céline Esperin, Etienne Launay, Benjamin Tholozan et Benjamin Bollen.
Jusqu’au 28 avril 2024
Théâtre la Bruyère
5, rue La Bruyère – Paris 9e
Pièce vue au Théâtre de la Huchette (Avril 2022)
Photos : ©Fabienne Rappeneau, Philippe Escalier, Photo Lot et Cédric Vasnier