Quand on parle des grands auteurs de l’animation japonaise, le nom de Miyazaki revient presque systématiquement. Si ce dernier a effectivement marqué l’histoire du cinéma nippon, quand on parle de télévision, un autre nom vient à l’esprit des japonais.
Le Nagoya Boston Museum of Fine Arts a la bonne initiative de rendre justice à Hideaki Anno, en donnant une vision plus globale de l’œuvre de l’auteur d’Evangelion, et de son parcours dans la vie.
Une enfance bercée par l’animation
A chaque épopée, il y a toujours un point de départ. C’est pourquoi il est intéressant de voir ce qui a influencé Hideaki Anno avant qu’il ne nous influence. Celui-ci naît en 1960 dans un Japon qui commence à s’équiper de télévisions couleur. Cette technologie va produire toute une vague de créations appelées à l’époque non pas animé, mais terebi manga, comme si la bande dessinée s’affichait à l’écran. Mighty Jack puis Battleship Yamato mettent par exemple la science-fiction au premier plan de la télévision nippone dès les années 60-70.
Mobile Suit Gundam (1979, ci-dessus) et Ultraman (1966) sont deux autres séries très éclairantes sur ce que va devenir la vision phare d’Anno. Gundam introduit le concept de robots surarmés pilotés par des humains, et Ultraman met l’accent sur le gigantisme des acteurs au cours de la lutte pour sauver le monde. Le mélange des deux, c’est exactement le concept des robots géants d’Evangelion. L’influence paraît claire sur ce point.
Jeune, Hideaki Anno est absolument passionné de dessin. L’exposition présente ses carnets de croquis ainsi que cette peinture qu’il a réalisée en 1974. Un niveau de maîtrise assez incroyable pour un collégien.
Alors à L’université des arts d’Osaka, Hideaki Anno réalise plusieurs courts-métrages dont DAICON III et DAICON FILMS RETURN OF ULTRAMAN. L’auteur crée la surprise au Nihon SF Taikai (convention japonaise sur la science-fiction) car ces œuvres dépassent de très loin le niveau amateur.
Avec Miyazaki, Anno désormais au plus haut
Cela propulse Hideaki Anno dans les plus hautes sphères de l’animation japonaise des années 80. Il fait notamment la connaissance de Hayao Miyazaki et se voit confier la responsabilité d’une scène capitale de Nausicaä de la Vallée du Vent.
Après plusieurs expériences réussies de cette dimension, il passe à la réalisation de deux animés pour Gainax, la société qu’il a fondée avec d’autres artistes. Le premier est un OVA (original video animation) appelé Gunbusters chez nous, une histoire de lycéennes qui, surprise, pilotent des robots géants pour sauver le monde! De Daicon III à Evangelion, le fil rouge de Anno est très clair.
Le deuxième est Nadia et le Secret de l’Eau Bleue, un animé de science fiction inspiré de Vingt Mille Lieues sous les Mers de Jules Verne. Mais Anno n’est pas initialement prévu pour ce titre et n’arrive qu’après l’appel au secours de Gainax, alors dans des négociations difficiles avec la NHK. L’animé est finalement un succès et sera exporté, notamment en France. A la veille d’Evangelion, on voit donc que toute la carrière d’Hideaki Anno fait la part belle a ses passions d’enfance (science fiction, gigatisme, robotique…), mais aussi une volonté de mettre en avant les personnages féminins.
Evangelion, l’apogée d’une carrière qui ne s’arrête pas là
Evangelion est donc paradoxalement une rupture dans la carrière de Anno, avec un garçon (Shinji) dans le rôle principal. Gainax aura peut-être voulu élargir son audience, ce qui a marché, même si les filles restent majoritaires dans le casting. La partie Evangelion de l’exposition, bien que moins fournie que ce que l’on pouvait attendre, renferme quelques pièces d’intérêt pour les fans, comme l’avant-projet de l’animé tel qu’il a été présenté en 1995.
La collection a de nombreux posters et story boards, ainsi que les notes prises par les auteurs à l’époque. On peut voir ici les relations entre les personnages telles qu’elles ont été pensée avant le lancement.
Après Evangelion, qui devient absolument mythique auprès du public, il est difficile pour Anno de rebondir. Le réalisateur avait tout simplement placé la barre trop haut. Il tente alors de s’investir dans des films, avec de vrais acteurs cette fois-ci. Il crée alors Love & Pop, un long-métrage sur la jeunesse, puis l’adaptation de Cutie Honey sur grand écran. Ce n’est pas injure de dire que ses travaux entre les deux projets Evangelion n’ont pas marqué le public.
L’exposition revient alors sur Evangelion, puisque trois films constituant le remake de la série sortent entre 2007 et 2012. Le quatrième et dernier ne sort lui que récemment, et on apprend que Hideaki Anno l’avait repoussé pour raisons de santé : surmené, l’auteur a du se mettre en retrait pour un temps après le succès de Evangelion 3.33. Là encore on trouve de nombreux story boards et illustrations préparatoires.
Très récemment, Anno s’est dévoué à la renaissance de deux licences de son enfance : Kamen Rider et Ultraman. Il sort coup sur coup deux nouveaux films tiré de ces shows très japonais centrés sur des super-héros un peu loufoques pour nous (vu le manque d’écho en Europe), mais très respectés sur l’archipel. La morale de l’exposition est qu’Hideaki Anno, en cinquante ans de carrière, n’a jamais oublié d’où il était parti. Finalement, le succès apparaît assez secondaire dans le parcours de Anno, qui a d’abord cherché à vivre ses passions, comme s’il était toujours le jeune rêveur de 1980.