C’était l’heure du grand oral pour Nintendo en ce début avril. Sortir une nouvelle console n’est pas facile et encore moins quand elle succède à l’une des plus populaires de l’histoire du jeu vidéo. Dans cette grande attente, on ne manque pas de relever quelques fausses notes.
Les détails sont maintenant connus pour le lancement de la Nintendo Switch 2, qui aura lieu le 5 juin prochain partout dans le monde. La nouvelle console de Nintendo garde le principe de la précédente, à savoir une console portable qui peut être connectée à un écran via une base fournie. Il n’y a pour l’instant qu’une couleur noire unie, bien plus épurée que les modèles bariolés de la première. Elle coûtera 470€ seule et 510€ en pack avec le tout nouveau Mario Kart World, prix qui a provoqué une levée de boucliers générale, le public n’étant pas habitué à débourser des sommes folles pour des produits Nintendo.
Le fait de demander le prix d’une PS5 pour une console Nintendo passe mal. La PS5 n’est pas portable, mais le consensus estime clairement qu’elle est significativement plus puissante. Le refus de la firme de communiquer la puissance de la Switch 2 et les caractéristiques de son processeur personnalisé NVIDIA attise les doutes quant à ce qui est offert par le big N. Si on regarde du côté du Steam Deck, principal concurrent de la Switch 2 sur son créneau, les prix sont relativement similaires. Par rapport à la machine de Valve, la Switch 2 est même plus compacte et plus légère tout en ayant un écran plus grand et une résolution maximale supérieure. Le prix proposé pour la nouvelle hybride n’est donc a priori pas abusif, même si cela dépend du CPU et du GPU qui restent pour l’instant un mystère. Les sites de hardware spécialisés se feront une joie de démonter la console dès qu’il mettront la main dessus et de dévoiler ce qui le constructeur cherche à cacher.
C’est du côté du stockage que ça pourrait coincer relativement vite : la Switch 2 ne dispose que d’un disque UFS (Universal Flash Storage) de 256 Go. Tout possesseur de la PS5 originale de 2020 sait que les 700 Go de base ne font pas long feu, donc 256 Go vont poser problème pour ceux qui se tournent vers le dématérialisé. Si théoriquement, les jeux Nintendo devraient tenir sur les cartouches Switch 2, il n’en est pas de même des éditeurs tiers qui pourront utiliser pour leurs versions physiques une nouveauté appelée Game Key Card. Cette cartouche ne contient qu’une clé software et nécessite un téléchargement complet. Si ces versions faussement physiques se généralisent, la mémoire de la Switch pourrait ne pas tenir longtemps.
C’est là que les choses se corsent car le console n’est compatible qu’avec des cartes microSD Express assez onéreuses. Une microSD Express de 256 Go coûte par exemple 60€, et il n’existe pour l’instant pas de plus gros modèle. Donc soit les jeux seront trop lourds pour en avoir beaucoup, soit ils auront une qualité graphique dégradée. On signale par exemple que Final Fantasy VII Remake, annoncé par SquareEnix sur Switch 2, pèse 100 Go sur PS5. Les éditeurs vont devoir sortir du bois assez rapidement sur ce point. Des annonces ont été faites pour des cartes avec 1 To de capacité, mais cela rajoutera plus de 100€ à l’investissement nécessaire à la Switch 2 si on veut profiter des jeux des éditeurs tiers. Le débat ne s’arrête pas là puisque la nécessité de cartouches de plus haute capacité fait s’envoler le prix des jeux : 90€ par exemple pour Mario Kart World en physique, le coup va être dur pour les familles…
Mais Nintendo n’a jamais cherché à s’imposer sur la technologie et propose avant tout une expérience conviviale plus poussée. A cet égard, le nouveau bouton C (pour chat) permet de démarrer immédiatement une discussion avec d’autres joueurs. Il est même possible de se filmer et faire apparaître son visage sur l’écran, au moyen d’une caméra vendue à part. C’est à même d’égayer les parties à plusieurs, même pour des amis éloignés géographiquement. Ce type d’expérience est assez convaincant sur Mario Party ou Mario Kart World. Super Mario Party Jamboree aura d’ailleurs une version Switch 2 spéciale avec des mini-jeux en plus qui exploiteront ces nouvelles fonctionnalités. Attention toutefois, l’utilisation du bouton C est conditionnée à un abonnement Nintendo Switch Online en vigueur. Pour les non-abonnés, si vous appuyez sur le bouton, il ne se passera rien.
En outre, les joy-cons pourront servir de souris, ce qui pratique pour la jeux de stratégie et gestion. Reste à voir si la précision sera suffisante pour les jeux de tir. Nintendo vient en outre de préciser qu’aucun système de succès n’était à l’ordre du jour. Les chasseurs de trophées peuvent donc rester sur PS5 ou Steam. Tout cela pour dire que, sans surprise, Nintendo s’adresse encore et toujours au public familial plutôt qu’aux core gamers.
Au final, le prix d’une console se justifie par les jeux et le fun qu’on estime que l’on va trouver dessus. En somme, le problème pour actuel de la Nintendo Switch 2 est moins son tarif que ce que l’éditeur a montré en termes de software. Mario Kart World est sans conteste le nouveau titre le plus intéressant, car la licence ne se limite plus aux circuits mais permet de parcourir un monde complètement ouvert à la Burnout Paradise. Cela peut se faire entre amis en communiquant et en se voyant en direct, en plus d’un nouveau mode survie qui utilise bien la grande superficie de ce nouvel univers.
Cela ne justifie pas le prix abusif, mais c’est certainement l’évolution la plus ambitieuse donnée à Mario Kart en plus de 30 ans d’existence de la série. Il est à noter que Mario Kart World est exclusif à la Switch 2, ce qui est une stratégie (risquée) d’imposer l’achat de la nouvelle machine à tous les fans de la série. Nintendo fait ainsi une croix sur ce qu’aurait pu rapporter un nouveau Mario Kart sur l’actuelle Switch, pour maximiser la passage à la future Switch. Les résultats financiers dans quelques mois nous diront s’ils ont eu raison. Mario Kart World sort en même temps que la console, le 5 juin.
Comparativement, Donkey Kong Bananza apparaît comme un jeu de plate-forme classique dont la formule ne change que très peu, à ceci près que les décors sont destructibles. Il n’en paraît pas moins un titre dirigiste parsemés de couloirs, avec juste des graphismes un peu améliorés. Il sera disponible le 17 juillet et coûtera aussi carrément cher, 80€ en physique pour un jeu qui pèse 10Go. Quant à Kirby Air Riders, notamment produit par le très vénéré Mashahiro Sakurai, on a même pas encore de vidéo de gameplay, en dépit d’une sortie annoncée dans l’année.
Hyrule Warriors Age of Imprisonment s’annonce dans la lignée du premier, à savoir un jeu d’action beat’em all avec des vagues massive des ennemis à combattre. Ce jeu est présenté comme une préquelle à The Legend of Zelda Tears of the Kingdom et a cette fois comme personnage principal la princesse Zelda. Les progrès sur le plan graphique ne sont pas flagrants en dépit du bond générationnel, la modélisation n’étant guère plus fine que dans les Zelda de la première Switch. Développé par KoeiTecmo pour le compte de Nintendo, Hyrule Warriors Age of Imprisonment est par exemple à des années-lumière de la qualité technique d’un Dynasty Warriors Origins sur PS5. La sortie est annoncée pour l’hiver prochain, donc vraisemblablement février/mars 2026. C’est tout, et c’est très mince, pour les jeux first party exclusifs à la Switch 2. Il manque une ou plusieurs annonces choc qui font rêver plus que ça.

Surtout que le salut de la machine ne viendra visiblement pas des éditeurs tiers. Ceux-ci semblent plus que frileux, n’annonçant guère que des portages de titres déjà sortis (Elden Ring, Final Fantasy VII Remake, Yakuza 0…) ou un recyclage de certains flops (Wild Hearts, Kunitsu Gami Path of the Goddess). Borderlands 4 est le seul jeu triple A à venir qui sera aussi sur Switch 2. Après l’immense succès de la Switch, pourquoi les autres sociétés ne s’engagent-elles pas plus sur la 2? La console serait-elle trop peu puissante pour les blockbusters modernes? Les éditeurs n’auraient-ils pas confiance dans les perspectives commerciales? On connaît le refrain : la firme de Kyoto façonne sa machine d’abord pour ses propres besoins de rentabilité, et laisse les tiers se débrouiller avec ensuite. De plus, si la Switch 2 ne peut pas accueillir GTA VI, elle se fera véritablement écraser par la PS5 cet hiver.

Le big N met certes en avant une exclusivité de From Software pour 2026 appelée Duskblood, mais c’est trop peu, trop tard. Duskblood possède indéniablement le charme de la fantasy sombre comme le studio sait bien la faire, mais ce titre est annoncé comme avant tout multijoueur, ce qui ne manque pas de refroidir les fans habitués aux épopées en solo. Pour l’instant, rien n’indique que la Switch 2 vaudra mieux que la première en termes de soutien des éditeurs tiers, et son catalogue pourrait une fois de plus pâlir face à la PS5 et au Steam Deck. N’oublions pas non plus que dans trois ans, elle sera potentiellement confrontée à une PS6 ou un Steam Deck 2, qui creuseront l’écart technologiquement.